Parler du Bail Réel Solidaire (BRS), c’est évoquer une propriété d’un genre particulier. Depuis 2017, ce dispositif permet à des ménages modestes d’accéder à un logement neuf à un prix réduit, grâce à la dissociation entre le terrain et le bâti. Le ménage devient propriétaire des murs, mais le terrain reste la propriété d’un Organisme de Foncier Solidaire (OFS), chargé de garantir le caractère durablement abordable du logement. Ce montage original, prévu par le Code de la construction et de l’habitation, suscite logiquement de nombreuses questions. L’une d’elles revient souvent : peut-on, en tant que propriétaire en BRS, réaliser librement des travaux chez soi ?
Un droit de propriété partiel, mais réel
Le titulaire d’un BRS n’est pas un simple locataire : il est pleinement propriétaire du logement, pour la durée du bail, qui s’étend le plus souvent sur 80 à 99 ans. Ce droit réel lui confère une grande autonomie dans la gestion de son bien. Il peut y habiter, l’entretenir, le transmettre ou même le revendre, sous certaines conditions.
Mais cette propriété est encadrée. L’OFS, propriétaire du terrain, veille à ce que le logement conserve sa vocation sociale. Cette surveillance s’étend naturellement aux transformations que le propriétaire souhaite apporter au bien.
Ainsi, la liberté de faire des travaux dépend du type de travaux envisagé. Tous ne relèvent pas du même régime.
Les aménagements intérieurs : une liberté presque totale
Les travaux d’aménagement intérieur relèvent du bon sens : repeindre un mur, changer la cuisine, refaire une salle de bains, poser un parquet, isoler un plafond — tout cela est du ressort exclusif de l’acheteur. Dans ces cas, l’OFS n’a pas à être consulté. Le propriétaire reste libre d’adapter son logement à ses goûts et à ses besoins, dans la limite du respect des règles de copropriété et de sécurité.
Cette liberté découle directement du principe même du BRS : le ménage est propriétaire du bâti, donc libre d’en assurer l’entretien et l’amélioration. L’article L. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation précise d’ailleurs que le preneur « doit maintenir le bien en bon état d’entretien ». Il lui appartient donc de réaliser les réparations courantes et les aménagements nécessaires.
En pratique, ces travaux « libres » constituent la grande majorité des cas. Le BRS n’interdit ni la personnalisation du logement, ni son amélioration énergétique, ni la mise à niveau du confort intérieur.
Les travaux structurels ou extérieurs : l’accord de l’OFS est nécessaire
La situation change dès qu’il s’agit de travaux modifiant la structure du logement ou l’usage du foncier. L’OFS, en tant que propriétaire du terrain, doit s’assurer que les interventions prévues ne compromettent pas la vocation du bien ni la sécurité de l’ensemble immobilier.
Sont ainsi soumis à autorisation :
- les extensions ou surélévations du logement ;
- la modification de la façade ou de la toiture ;
- la création d’ouvertures donnant sur l’extérieur ;
- les travaux affectant les parties communes, dans le cas d’une copropriété ;
- toute intervention susceptible de changer la destination du logement (par exemple, le transformer en local professionnel).
Dans ces cas, le preneur doit demander une autorisation écrite à l’OFS avant de commencer les travaux. Ce formalisme, loin d’être anecdotique, protège à la fois l’organisme et l’acquéreur. Il garantit que le projet respecte la réglementation, les règles d’urbanisme et le contrat de bail.
Certains OFS prévoient des procédures simples, d’autres exigent un dossier détaillé. Tout dépend du bail signé. Mais une règle demeure : aucune transformation majeure ne peut être entreprise sans accord.
La question des gros travaux et de la répartition des charges
Dans la pratique, le propriétaire en BRS assume la plupart des dépenses liées à l’entretien courant et aux réparations. Cependant, les « gros travaux » — ceux qui touchent à la structure du bâtiment ou aux équipements collectifs — obéissent à un partage.
Si le logement est en copropriété, la répartition suit le droit commun : les travaux sur les parties communes (toiture, ravalement, ascenseur) sont votés en assemblée et répartis selon les tantièmes. L’OFS, s’il détient une quote-part du terrain ou des espaces communs, peut y participer.
Pour une maison individuelle, la responsabilité des gros travaux revient généralement au preneur, sauf stipulation contraire du bail. L’OFS n’intervient que dans la mesure où le foncier est concerné.
Là encore, tout dépend des clauses du contrat. Certains baux précisent le régime des réparations importantes, d’autres renvoient à un règlement annexé. Le texte de référence demeure l’article L. 255-7 : le preneur doit entretenir et réparer le bien « comme un propriétaire ». Ce qui revient, dans la majorité des cas, à en assumer la charge.
Travaux et valeur du bien : une valorisation encadrée
La spécificité du BRS se retrouve au moment de la revente. Le logement peut être cédé, mais uniquement à un ménage répondant aux mêmes conditions de ressources, et à un prix plafonné.
Ce plafonnement vise à empêcher la spéculation : le logement doit rester abordable pour les générations suivantes.
Toutefois, le travail réalisé par le propriétaire n’est pas ignoré. Le prix de cession peut être majoré du montant des travaux valorisables, c’est-à-dire ceux qui apportent une amélioration objective au logement (rénovation énergétique, remplacement d’équipements vétustes, etc.). Cette majoration est encadrée par le contrat et validée par l’OFS.
En revanche, les travaux d’embellissement ou les dépenses purement esthétiques ne donnent pas lieu à compensation financière. Le BRS ne rémunère pas la décoration, mais l’amélioration durable du bien.
Cette logique maintient l’équilibre du dispositif : reconnaître l’investissement du ménage sans compromettre la vocation sociale du parc. Le logement reste un bien accessible, pas un produit spéculatif.
Les aides à la rénovation : un droit commun
Être propriétaire en BRS n’exclut pas des aides publiques. Les ménages peuvent bénéficier de MaPrimeRénov’, de l’éco-prêt à taux zéro, ou d’aides locales, dès lors qu’ils respectent les critères généraux : logement principal, entreprise certifiée RGE, type de travaux éligibles.
Les OFS encouragent souvent ces démarches, car elles contribuent à la performance énergétique et à la pérennité du parc. Certaines collectivités territoriales subventionnent même les rénovations en BRS, considérant le dispositif comme un levier d’habitat durable.
Ainsi, loin de restreindre les possibilités de rénovation, le BRS les encadre sans les freiner. Le propriétaire reste acteur de son logement, tout en participant à un projet collectif.
Une logique de responsabilité partagée
Le BRS repose sur une idée simple mais exigeante : rendre la propriété accessible sans céder à la spéculation. En dissociant le sol du bâti, il instaure une responsabilité partagée. L’OFS veille à l’intérêt général, le ménage assume la gestion quotidienne.
Les travaux s’inscrivent dans cette philosophie. Le propriétaire peut embellir, moderniser, entretenir son bien, mais il ne peut pas le transformer en produit d’investissement déconnecté de sa vocation sociale.
Cette approche collective du foncier s’inscrit dans une tendance plus large : celle du logement durable, pensé comme un bien d’usage plutôt qu’un simple capital. Le BRS oblige à repenser la notion de propriété, non plus comme un pouvoir absolu, mais comme un droit assorti de devoirs.
Un droit et un devoir
Oui, un propriétaire en BRS peut faire des travaux chez lui. Il en a même le devoir moral et juridique : maintenir le logement en bon état, l’adapter à ses besoins, le rendre plus économe et plus confortable. Mais il ne peut pas tout faire sans contrôle. Les transformations lourdes, celles qui touchent à la structure ou au foncier, nécessitent l’accord de l’OFS.




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